CE QUE LE TATOUAGE REPRESENTE - Nos confessions de tatoués
POURQUOI ON SE TATOUE, VRAIMENT ?
Il y a ceux qui disent que ce n’est qu’un dessin. Une mode. Un caprice de peau.
Et puis il y a les autres. Ceux pour qui le tatouage n’est pas seulement un artifice.
Evidemment, choisir de se faire tatouer juste parce que c'est joli, c'est une raison totalement suffisante. Mais on peut apporter à une session tattoo un petit nappage sympa du style "graver dans la chair ce que les mots ne savent pas nommer". Pour redonner un sens, une voix, une forme à ce qui brûle dedans.
✒️ Nouchka — “J’ai choisi le tatouage pour laisser entrer la lumière”
Avant de me faire tatouer, je portais mon histoire comme un fardeau invisible. Celui qu'on porte tous à notre façon. On a tous des bouts d'histoire qui nous pèsent et pour lesquels on ne trouve pas de mots.
Je ne savais pas que le tatouage allait devenir cette forme-là de parole. Une parole sans son. Une parole qui se grave. Une histoire que je réécris à ma façon.
Spoil alert : mon premier tatouage est tellement cliché.
Un petit avion en papier qui s'envole au bout d'un électrocardiogramme. Sur la cheville. J'ai beau le trouver un peu "niais" aujourd'hui, je n'ai jamais eu envie de le recouvrir. Il me rappelle la petite Nouchka de tout juste 18 ans, qui incarnait une rébellion intérieure contre les choses moches de la vie avec son petit avion en papier et ses battements cardiaques. Ce premier tatouage, c'était une façon de me dire "Ok ma grande, des murs, tu vas en manger encore et encore. T'es pas forcément un tank apte à tout surmonter, mais tu peux décider de survoler les problèmes plutôt que de te crasher dessus. Tant que t'as le coeur qui bat, tu fonces." To schuss comme dirait mon père.
Mon second tatouage a été un hommage à ce que j'avais de plus précieux. Mon petit frère. Un petit prince et sa rose, assis sur le monde. Tu sais... le fameux "C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante." J'ai toujours eu l'angoisse du temps. Ne pas assez profiter, être écrasée par les "tu dois" aux dépens des "j'ai envie".
Et c'est après que c'est partie en cacahuète ! Max participait à une convention, son client a eu un empêchement de dernière minute, et ... J'ai volé à son secours, avec toute la noblesse qui m'habite. Commence alors une longue série de portraits ... (j'avais dit "jamais de portraits, jamais de couleurs" ... d'expérience : ne jamais dire "jamais" pour les tatouages !). C'est sûrement mon côté gémeaux qui a décidé de mettre un visage sur mes multiples personnalités ! Nous voilà donc partis pour ma recette préférée : portait, visage fendu, alternance couleurs et noir & gris, éléments en lien avec la nature, symboles cachés.
Ce qui est déconcertant avec le tatouage, c'est l'effet kiss cool. Je pensais choisir un motif juste parce que je le trouvais cool, le positionner stratégiquement pour que ça rende bien et basta... C'est faux. L'inconscient est beaucoup trop bien fait.
Avec le temps, je me suis rendue compte que pour moi le tatouage a été un acte d'appropriation corporelle d'une puissance indescriptible. J'ai longtemps considéré mon corps comme une enveloppe, un véhicule pratique. Mes tatouages sont devenus à la fois armure et parure.
J'aime bien une partie de mon corps ? Je la sublime avec un motif.
Je n'aime pas un bout de moi ? Je la customize avec un pur projet.
En bref, le tatouage c'est une reconquête de moi-même.
Je suis toujours impatiente quand une idée de tatouage me traverse. C’est rarement réfléchi des semaines à l’avance. Non, chez moi, ça débarque comme une tempête de printemps : subitement, violemment, irrésistiblement. Je peux très bien être en train de manger des nouilles et me dire “tiens, et si je me faisais tatouer une main de squelette dans le dos ?”. Et à partir de là, c’est fichu. Il FAUT que ça se fasse. Maintenant. C’est un peu comme une urgence intérieure qu’il faut écouter sous peine d’explosion poétique imminente.
Et puis, une fois que je suis dans la machine, allongée ou assise, que les premières aiguilles tracent leurs lignes, je bascule. J’entre dans une espèce de dimension parallèle. Le bruit du dermographe devient une musique de fond, mes pensées ralentissent, mon corps se tend puis s’abandonne. J’adore ce moment. C’est presque méditatif, en mode punk. Et mon passage préféré ? Le face-à-face avec le miroir. Ce moment où je me redécouvre. Ce moment où je me dis : “Ah ouais. T’es encore plus stylée qu’avant.” C’est un shoot d’estime de soi comme on en trouve rarement. Une mise à jour visuelle de mon moi profond.
J’ai compris que ma peau pouvait devenir un livre. Noircir des carnets ne me suffisait plus, je suis passée à un support plus exotique... ma peau. Et celui-là de carnet, je l'ai toujours avec moi. Mon corps, c'est un peu un livre sacré que je peux relire quand j’oublie qui je suis. Comme un refrain d'une chanson qui me fait danser un peu tous les jours.
Pour résumer : je n’écris pas pour cacher mes cicatrices, je choisis le tattoo pour les transformer en repères.
🛠️ Maxime — “J’ai tatoué mes peurs pour les empêcher de grandir dans l’ombre”
Je suis pas du genre à mettre des mots sur tout ce que je ressens. Je laisse ça à Nouchka. Elle, elle pourrait écrire un roman entier sur la symbolique d’un pointillé. Moi, c’est plus simple. Plus brut.
Le tatouage, pour moi, c’est pas vraiment une thérapie. C’est pas un acte de réparation. C’est… une évidence. Un truc que je fais parce que ça me parle. Parce que ça me correspond. Parce que j’en ai envie, point.
Mais quand je regarde ce que je me suis tatoué au fil du temps, je remarque quand même un truc : il y a deux univers qui reviennent toujours.
D’un côté, mes peurs. Celles que je garde pour moi. Celles que je comprends pas toujours, mais que je sens très fort.
Et de l’autre, l’univers manga. Celui qui me fait rêver depuis gamin. Celui où les personnages affrontent des monstres, perdent, se relèvent, explosent tout et repartent.
Entre les deux, je trouve un équilibre. Un peu comme une zone tampon entre ce qui me hante et ce qui me sauve.
Quand je me tatoue une créature mécanique, un démon, un Oni... c’est pas forcément parce que je veux représenter une émotion. C’est que je veux l’extraire. La matérialiser. L’avoir sur moi, en face, plutôt qu’en boucle dans ma tête.
Et puis y’a le plaisir de l’image. Faut pas se mentir : parfois, c’est juste parce que je trouve un dessin stylé. J’ai envie de l’avoir sur moi, de le porter, de le vivre. Pas besoin d’avoir survécu à un cataclysme pour justifier un tatouage. Parfois, c’est juste parce que ça claque.
Et c’est une très bonne raison.
Après, y’a mes jambes. Là, c’est un autre délire. C’est devenu une sorte de zone libre. Un labo. Un carnet de croquis en 3D.
J’ai proposé mes mollets pour que d’autres puissent apprendre à tatouer. Juste parce que j’avais envie d’aider. Aujourd’hui, c’est un patchwork improbable. Un mix d’idées, de débuts hésitants, de projets expérimentaux. Et je les aime, comme ça.
Je crois que j’ai jamais vu le tatouage comme une “reconquête du corps”. C’est pas comme ça que je le vis. Mais je dirais que c’est une prise de place. Un truc qui dit “ça, c’est moi”. Pas parfait. Pas lisse. Mais vrai.
Pendant que je me fais tatouer, c’est pas la grande révélation mystique. Je suis pas en transe. J’entre pas dans une autre dimension. Moi, c’est plutôt version “tiens bon, mec, respire doucement, ça va passer”.
J’ai toujours un verre d’eau pas loin, un petit sucre… au cas où. Le combo survie de base. Je suis pas du genre à faire le warrior inutile. Si ça pique, ça pique. Je le dis. Cela dit, avec le temps, j’appréhende de moins en moins. Je sais comment mon corps réagit, je sais quand ça va être relou, je sais quand je peux gérer.
Mais j’irai pas vous raconter que j’adore la sensation. Je le fais parce que je veux le dessin, pas parce que je kiffe l’aiguille. C’est pas une expérience spirituelle. C’est un deal : je prends sur moi pour avoir le résultat que je veux. Et franchement, je trouve ça déjà pas mal.
En bref, je me fais pas tatouer pour changer qui je suis, mais pour l’assumer un peu plus à chaque trait.